Un instant de détente... [Terminé]

[Suite de "Sur le chemin de la salle d'arcade"]



Haruka avait gardé le silence pendant le trajet. Elle savait que sa réaction avait blessé Michiru et elle s'en voulait énormément. Ce besoin constant de s'assurer qu'elle pouvait plaire aux autres devait sans doute être difficile à comprendre et à supporter. Mais derrière ce physique ambigu aux limites sans cesse poussées à l'extrême se cachait une jeune fille au moral fragile. Sous cette assurance insolente qu'elle affichait face à ses conquêtes, Haruka avait besoin de sentir la confiance que Michiru plaçait en elle...

Cependant, cela ne suffisait pas toujours... Parfois, elle ne pouvait se contenter de cette confiance venant de quelqu'un d'autre qu'elle-même. Elle souhaitait alors montrer qu'elle ne dépendait pas de ce sentiment, qu'elle avait suffisamment confiance en elle pour survivre seule. Ces flirts quotidiens étaient selon elle la preuve qu'elle était un être indépendant. Pourtant, à cause de cette vérité qu'elle cachait aux yeux des filles, ces histoires si peu sérieuses se terminaient immanquablement en fuite.

Mais tout ceci, Haruka refusait de l'admettre.

Se garant près d'un muret de pierre le long de la côte, elle ferma les yeux à la sensation du vent marin dans ses cheveux et soupira de contentement.

"Ces moments de détente me manquaient... Nous avons été plutôt occupées ces derniers temps..."

N’en voulant déjà plus à Haruka, Michiru avait respecté le silence que cette dernière avait conservé sur cette route qui les menait vers la plage. Mais le simple renouvellement de la proposition lui avait fait oublié le petit incident qui avait eu lieu. Dans la voiture, elle songeait à l’équilibre qu’Haruka lui avait apporté. Elle avait vécu sans elle, avant, mais désormais qu’elle avait découvert ces moments à deux, cette complicité informulée, elle savait qu’elle ne pourrait plus. Sans elle, il lui manquerait toujours quelque chose d’essentielle.

*Je voudrais juste ne pas te perdre, Haruka*

Parvenue à leur destination, ne voyant personne sur la plage, elle glissa sa main dans celle de sa compagne, répondant par un sourire à sa compagne. Elle l’entraîna un peu plus loin sur le sable. Heureuse pourtant qu’elle ait brisé le silence, elle ne parlait toujours pas. Soucieuse de ne pas se montrer insupportable. Elle prit la parole pour murmurer :

« Ce sont simplement ses larmes qui t’ont émue ? »

Le contact de cette main sur la sienne enleva un poids énorme des épaules d'Haruka. Elle se sentait pardonnée, même si Michiru gardait le silence alors qu'elles se promenaient toutes deux le long de la plage. De toute façon, sa compagne avait toujours eu tendance à s'enfermer dans un monde muet où elle projetait des illusions de ses rêves. Un monde que Haruka ne connaissait pas, qu'elle ne pouvait percer, mais qu'elle acceptait, tout comme on lui acceptait ses rêves qu'elle gardait pour elle seule.

"Je déteste voir une fille pleurer... Le parc était immense et pourtant, cette fille, Ami, est venue près de nous pour pleurer. Je me suis dit qu'elle avait peut-être besoin de réconfort..." Avec un sourire ironique, elle ajouta : "Réconforter... ce n'est pourtant pas ma qualité première."

Elle ferma un instant les yeux, laissant Michiru la guider alors qu'une brise marine soulevait le sol de sa chemise blanche. Cette tranquillité serait de courte durée. Bientôt, leur devoir et les responsabilités qui en découleraient les rattraperaient et les priveraient de ces instants précieux et irremplaçables.

*Et moi, je détesterai te voir pleurer*

Michiru avait bien conscience que l’instant qu’elles partageaient n’était qu’un moment de répit, elle ne voulait pourtant pas le briser, ce moment bien qu’éphémère, elles se le remémoreraient lorsqu’elles seraient confrontées à des moments plus durs.

« Elle en avait sans doute besoin oui, et je suis désolée de te l’avoir en quelque sorte reprocher. En riant, elle ajouta : Oh et puis, réconforter une inconnue peut être pas, mais tu n’es tout de même pas totalement incapable quand ce n’est plus une inconnue. »

Ce moment était vraiment délicieux, elles partageaient le calme qui les entourait, tout en conservant ces pensées qui leur étaient propres. Cette solitude partagée possédait un charme que Michiru appréciait beaucoup. Elle aurait voulu que cela ne s’arrête jamais.

Haruka partagea ce rire avec Michiru. Rire était un privilège dans leur situation. Elles avaient beau aimer cette bonne humeur, elles riaient rarement. Trop de contraintes. A 18 ans, elles étaient au grand jour de jeunes célébrités autonomes, l'une athlète et pianiste, l'autre artiste et violoniste. Mais parallèlement, elles agissaient dans l'ombre afin d'épargner au monde une catastrophe qui réduirait la planète à néant... Cette mission, c'était une vocation, leur vie entière y serait peut-être sacrifiée.

Elles le savaient. C'était pourquoi elles n'avaient pas de temps à perdre... Mais pour une fois...

Pour une fois, Haruka avait décidé de mettre de côté ces contraintes étouffantes et de profiter tout simplement du plaisir le plus pur. Ce vent courant sur elle, ce sable doux qu'elle foulait, ces vagues aux sonorités rhapsodiques...

"Je ne sais pas combien de temps cela va durer..."

Elle n'avait pu s'empêcher de laisser sa résignation l'emporter sur sa bonne humeur.

"Mais au moins, je peux être à tes côtés en ce moment..." ajouta-t-elle, un mince sourire au coin des lèvres qu'elle cherchait résolument à cacher.

Alors qu'elle s'apprêtait à passer une main autour des épaules de Michiru, une famille vint les rejoindre sur la plage en cette douce soirée aux couleurs mordorées. Elle retint un soupir agacé et plongea ses mains au fond des poches de son jeans, une moue boudeuse sur le visage.

*On ne peut jamais être tranquille bien longtemps...*

Michiru sentit le bras d’Haruka s’approcher d’elle, pour retomber, elle n’en comprit pas tout de suite la raison, jusqu’à ce qu’elle tourne les yeux dans la direction que semblait lui indiquer le regard de sa compagne. Irritée tout d’abord par l’arrivée de ces importuns, son expression d’impatience se mue soudain en regard attendri lorsqu’un enfant vint récupérer à leurs pieds un ballon qui lui avait échappé. Se penchant vers lui elle ramassa la balle pour la lui remettre dans les mains.

Son visage retrouva vite pourtant une expression plus grave, lorsqu’elle repensa aux premières paroles d’Haruka, cela ne durerait pas, mais elle avait raison, elles étaient ensembles, c’est se qui comptait pour le moment.

Doucement contemplant une dernière fois le soleil qui déclinait sur l’horizon, elle commença à faire demi tour.

« Retournons vers la voiture, nous contempleront ce coucher de soleil de là bas… »

Elle préférait rejoindre un endroit plus calme. La famille ne la dérangeait pas outre mesure, mais elle aurait aimé être vraiment seule avec Hauka.

[Suite à l'appartement de Haruka et Michiru...]